Nos méthodes de culture bio

Le sol, un tissu vivant
(voir aussi les diapos de la conférence du 03.10.2015, “La terre, le terroir et les arômes des raisins”.
(voir aussi notre: Cours sur le sol)

La notion de terroir, structure d’un vin, n’est pas simplement lié à la géologie du sol, mais également à sa biologie qui sans elle rien de pousserait. Voir aussi “Notion de terroir
Le principe que nous avons adopté dans nos vignes est d’entretenir ce tissu vivant qu’est le sol en le préservant des agressions que constituent l’utilisation des herbicides, des pesticides, des engrais N, P, K utilisés à outrance et qui tuent cette vie. La substance limitante pour entretenir la vie du sol est la matière organique (MO) qui sert de nourriture. Ceci pour que les vers de terre, mais aussi toute la faune macro- et microscopique du sol puisse vivre en harmonie avec la vigne. Nous fournissons la MO par du mulch obtenu en fauchant régulièrement l’enherbement entre les rangs et sous les rangs de nos vignes. En fait, nous fabriquons notre engrais dans nos vignes avec l’eau de pluie et l’énergie solaire. Nous entretenons aussi une classe de bactéries très utiles qui vivent dans les nodosités racinaires des légumineuses (azotobacters). Ces bactéries transforment naturellement l’azote de l’air en nitrate pour les besoins des plantes et des microorganismes. Ces légumineuses (du lotier corniculé, mais aussi les trèfles et les luzernes) sont semées ou poussent naturellement dans toutes nos vignes. Depuis 10 ans, nous ne pratiquons aucun labour ni aération mécanique du sol qui détruirait sa structure et ses habitants par des aérations violentes et inappropriées. Un sol sain est naturellement riche et rend les plantes qui y poussent beaucoup plus résistantes et les fruits plus goûteux.
Dans les terres nues des vignes traitées aux désherbants et engraissées aux engrais N, P, K, la nature du sol et du sous-sol est dépourvue de vie, et l’expression du terroir dans les raisins est celle des engrais. La terre ici n’est plus qu’un support pour la vigne qui vit comme le ferait une plante dans une serre, c’est-à-dire complètement assistée. La terre de nos vignes, c’est une terre végétale semblable celle qu’on trouverait dans une forêt. Une forêt n’a pas besoin d’engrais pour faire des arbres centenaires. Les microorganismes du sol solubilisent les minéraux de la roche, ce que les racines sont incapables de faire. S’il n’y pas de vie du sol, cela implique le rajout obligatoire d’engrais exogènes. En parallèle, la perte de la biodiversité du sol provoque indubitablement le développement de plantes fragiles et faibles car, les échanges racinaires bénéfiques avec les habitants du sol (bactérie, mycorhises) ne se fait plus.
Pour en savoir plus (cliquez ici Cours sur le sol)
Les plantes (la vigne) puisent leur nourriture dans le sol qui n’est pas seulement une structure portante inorganique, mais bien un tissu vivant et complexe.
Un sol sain peut contenir jusqu’à 0.3 kg/m2 de vers de terre sur 30 cm d’épaisseur, sans compter tous les organismes macro- et microscopiques qui vivent ensemble en pleine harmonie (ils se mangent entre eux bien sûr, pour maintenir un équilibre des populations). Ces organismes sont essentiels pour les plantes car ils apportent des nutriments que la plante ne peut fabriquer ou extraire (minéraux, éliciteurs, molécules organiques) ou qu’elle a de la peine à capter elle-même (certains minéraux, par exemple). Inversement, certains organismes ne peuvent vivre en l’absence de certains végétaux (symbiose), chacun étant nécessaire à l’autre pour être en parfaite santé. Autre exemple, l’ensemble des vers de terre dans un sol sain peut fournir jusqu’à 30 kg d’azote /hectare, ce qui est amplement suffisant pour bien des cultures, comme la vigne (voir le site spécialisé sur les vers de terre http://www.regenwurm.ch ). De plus, le ver de terre, par ses va-et-vient dans le sol, mange la terre au fur et à mesure et l’excrète sous forme de fientes extrêmement riches en engrais naturels. Il brasse, aère et amène des nutriments profondément dans le sol pour nourrir des microorganismes enfouis au niveau des racines de la plante. Ainsi, sur 100 m2, l’ensemble des vers de terre avalent et régurgitent 3 tonnes de terre par an! Quel amendement et quel labour!
Par comparaison, un sol en agriculture intensive a perdu pratiquement tous ses habitants, tués par l’utilisation d’engrais, herbicides, pesticides et par les labours. Le nombre de vers de terre dans ces sols est une centaine de fois moins élevé que dans un sol sain.
Un premier comptage de vers de terre a récemment indiqué que nos parcelles en contiennent 5 fois plus que les parcelles voisines en agriculture traditionnelle (Benoit Cailleret, entomologiste, FREDON-FDGDON Rhône-Alpes, nov 2012).
Il est clair que les plantes peuvent vivre en se contentant d’engrais synthétiques (N, P, K) plus quelques oligoéléments), c’est la culture hydroponique (hors sol) que l’on retrouve dans les serres. Cependant, ces plantes sont (i) fragiles vis-à-vis des maladies et nécessitent beaucoup de traitements chimiques. Par ailleurs, elles sont (ii) dénuées de goût et d’arômes. En viticulture, on a des problèmes similaires. La vigne est plantée sur des terrains bien exposés, mais pauvres, et on rajoute de grosses quantités d’engrais N, P, K pour la faire pousser. Donc on ne peut plus se référer à la notion de terroir puisque la plante va utiliser les engrais que le viticulteur lui fournit et non ceux présents dans le terroir. La plupart des sols des vignes sont beaucoup trop riches en engrais.
La terre du domaine
La couleur, la structure et la complexité aromatique des vins d’un même cépage sont significativement influencés par la nature du sol et du sous-sol et aussi fortement par son activité biologique souvent négligée ou laissée de côté par l’agrobusiness. La terre de nos vignobles est végétale, limono-sableuse, avec un peu d’argile, le tout reposant sur la roche-mère molassique. Cette structure permet aux plants de vigne de profiter de la faible humidité de la molasse. On est bien loin des terres argilo-calcaires de la plupart des régions de France. Notre terre est extrêmement riche en biodiversité, ce qui confère à nos vins leur spécificité propre et unique. Les sédiments formant la molasse dont est issu le sable de la terre proviennent de la mer chaude qui recouvrait une

Fossiles: fougère, dents de requin, ammonite, rostre

grande partie de la région rhodanienne il y a 135 millions d’années et dans lesquels on trouve des dents de requins fossilisées et d’autres fossilles (rostres, fougères, ammonites, cf. photos ci-contre). Par endroits, des anciens récifs coralliens (Bellegarde, côté Ain du Rhône, etc.) ont amené du calcaire (carbonate de chaux formé de coraux encore visibles). Donc, il n’y a pas un, mais des terroirs seysselans. Par conséquent, il devrait y avoir des vins très différents d’une parcelle à l’autre. Mais ce n’est pas le cas en raison de l’utilisation massive d’engrais.

Nos traitements phytosanitaires
Pour avoir du succès en agriculture biologique, il faut que le sol soit sain et riche en biodiversité, de manière à ce que les échanges (symbiose) entre micro-organismes du sol (mycorhizes, bactéries, champignons) et les racines des plantes soient harmonieux. Cette harmonie prend plusieurs années à se constituer, mais une fois établie, la plante devient plus résistante et les traitements exigés peuvent être plus doux.
Nous avons opté pour une agriculture biologique non certifié dès 2003 . Les traitements au cuivre ne sont pas satisfaisants non plus, car le cuivre n’est pas biodégradable et est très toxique pour la faune du sol dans lequel il s’accumule. En fait, il faudrait un produit moins lessivable qui permettrait de diminuer les doses par 10 ou plus. Le savon de cuivre que nous avons développé pourrait être ce produit qu’il faut tester encore à plus grande échelle. Voir “Le savon de cuivre contre le mildiou“. Pour augmenter l’efficacité du soufre et diminuer les dose voir “Essai sur l’utilisation du talc pour lutter contre l’oïdium et le mildiou“.
Début 2010, nous avons opté pour une certification en agriculture biologique. A partir de 2013, tous nos vins seront produits à partir de raisins biologiques certifiés AB.
L’exposition
Nos vignes sont situées à trois endroits différents et à environ 300 m d’altitude, dominant le Rhône (i) à Vens-le-Haut au pied du Mont des Princes, (ii) à Serrières en Chautagne au pied du Mont Clergeon et (iii) à Corbonod au pied du Grand Colombier. Les parois rocheuses de ces Monts jouent un rôle de réservoir de chaleur et offrent à cette micro-région la flore et la faune particulières aux contrées méditerranéennes, comme en témoigne la présence d’amandiers sauvages ainsi que, l’été, le chant des cigales du Mont des Princes.
Auteur: Georges Siegenthaler, GS